Le traité de Maastricht n’impose aucune obligation de croissance économique verte aux États membres de l’Union européenne. Pourtant, plus de 65 % des grandes entreprises françaises publient désormais des rapports d’impact social ou environnemental, selon le Baromètre 2024 de l’AFEP. L’OCDE recense une augmentation de 42 % des investissements responsables en Europe entre 2022 et 2024.
Ce changement ne relève pas seulement de la conformité réglementaire. Il s’appuie sur des modèles économiques qui intègrent la rentabilité et l’intérêt général, bouleversant les logiques de performance traditionnelles.
L’économie positive : une réponse aux défis de la société moderne
L’économie positive n’est pas un gadget de communication ni un simple prolongement du capitalisme traditionnel. C’est une vision structurante, qui place au centre des décisions l’avenir collectif et la prise en compte du temps long. On tourne ainsi le dos à la dictature du court terme, héritée de décennies de spéculation et de croissance effrénée.
Le Forum de l’économie positive en a livré la preuve, données à l’appui : l’indice de positivité des nations classe les pays de l’OCDE selon leur aptitude à défendre l’intérêt général sur la durée. Les pays scandinaves, Suède, Norvège, Finlande, se retrouvent en haut du classement, portés par des politiques cohérentes et une culture de la responsabilité partagée. La France, quant à elle, stagne au milieu, freinée par l’ampleur de sa dette, les faiblesses de son système éducatif et une mobilité sociale trop limitée.
Au cœur de l’économie positive, un principe simple : privilégier un capitalisme patient, où la rentabilité s’inscrit dans la durée et où la transformation écologique devient indissociable de la performance. Ici, le pilotage ne se résume pas à la croissance trimestrielle ou à la satisfaction exclusive des actionnaires. Il s’agit de redéfinir la richesse, en introduisant des indicateurs d’impact environnemental et de cohésion sociale.
Derrière cette mutation, une intuition forte : la puissance publique doit reprendre la main sur l’orientation du progrès. L’économie positive ne se contente pas de limiter les excès du marché, elle ambitionne de reconstruire la prospérité, à l’heure où la pénurie de ressources et le risque de fragmentation sociale s’imposent comme les nouveaux défis de notre époque.
Quels sont les principes fondateurs qui distinguent l’économie positive en 2025 ?
En 2025, l’économie positive s’appuie sur des principes qui la démarquent nettement de la théorie économique classique. Le Rapport Attali, remis à François Hollande, esquisse 45 mesures pour bâtir un capitalisme patient et une finance tournée vers l’avenir. Il avance une idée clé : chaque entreprise doit inscrire dans ses statuts une mission à la fois sociale, environnementale et économique. La performance ne se résume plus à la maximisation du profit immédiat.
Pour mieux comprendre, voici les axes qui façonnent cette nouvelle approche :
- La mission sociale, environnementale et économique figure désormais parmi les critères de pilotage des entreprises.
- Des normes comptables rénovées favorisent la prise en compte de l’impact sociétal et la présence d’actionnaires de long terme renforce la cohérence stratégique.
- Le juste prix, le juste salaire et le juste taux d’intérêt deviennent des références pour valoriser l’activité productive.
Au-delà des marchés classiques, la réflexion s’étend à la façon dont les produits et services sont évalués : valeur technique, mais aussi qualification sociale. Plusieurs logiques structurent la mise en marché : marché pur, hiérarchie, auto-organisation. Cette diversité influence la gestion des entreprises et la conception des politiques publiques.
L’économie politique contemporaine s’enrichit également de critères issus des sciences sociales. Déjà au XIXe siècle, des penseurs comme Jean-Baptiste Say, Adam Smith ou John Stuart Mill cherchaient à concilier efficacité économique et justice sociale. Aujourd’hui, l’économie positive vise à donner corps à cette ambition, en traçant la voie d’une prospérité partagée et durable.
Des avantages concrets pour les citoyens, les entreprises et l’environnement
L’économie positive ne se limite plus aux rapports d’experts ou aux débats spécialisés. Elle infuse déjà la vie quotidienne, à travers des dispositifs concrets : fonds ISR, obligations vertes, outils d’épargne proposés par les banques en ligne ou via des applications mobiles. Chacun peut désormais orienter son épargne vers des projets à impact social ou environnemental vérifié. L’investissement responsable devient accessible au plus grand nombre, notamment grâce à l’intégration d’unités de compte ISR dans les contrats d’assurance vie.
Les entreprises, quant à elles, sont évaluées sur de nouveaux critères. Le profit à court terme ne suffit plus : on mesure désormais leur capacité à créer de la valeur tout en contribuant à la transition écologique et en produisant un impact social positif. Qu’il s’agisse d’une entreprise sociale, d’une PME industrielle ou d’un groupe coté, la question de la réduction des inégalités économiques et de la valeur sociale des produits devient incontournable.
Pour la société, la diffusion de la finance responsable ouvre la voie à une meilleure prise en compte du long terme. L’indice de positivité des nations reflète, à l’échelle macroéconomique, la capacité d’un pays à penser l’avenir et à intégrer l’altruisme dans ses choix collectifs. Les citoyens évoluent dans un système où la recherche d’un équilibre, prix, salaire, taux d’intérêt, n’est plus une promesse vague, mais une ligne directrice de la régulation.
Études de cas et initiatives inspirantes : l’économie positive en action aujourd’hui
Le Forum de l’économie positive, organisé chaque année au Havre, réunit bien plus que des experts. Véritable laboratoire d’idées, il accueille dirigeants, universitaires et décideurs publics venus partager leurs expériences et réfléchir à la transformation des modèles économiques. Des intervenants comme Jacques Attali, Alain Juppé ou Vincent Giret témoignent de la diversité des voix engagées pour une transition durable.
L’indice de positivité des nations, publié à l’initiative du Forum, établit un classement des pays de l’OCDE selon leur capacité à intégrer l’altruisme et la prévoyance dans leurs politiques. Les pays nordiques, Suède, Norvège, Danemark, Finlande, dominent ce palmarès, portés par une gouvernance axée sur l’éducation, la mobilité sociale et une gestion rigoureuse des finances publiques. La France, pour sa part, se trouve freinée par son niveau de dette, un système éducatif en difficulté et une mobilité sociale encore trop faible.
Quelques exemples concrets illustrent cette dynamique :
- ETHIQUABLE, entreprise coopérative citée dans le Rapport Attali, combine création de valeur économique, impact social et respect de l’environnement. Son modèle montre que la qualification sociale d’un produit et la rentabilité ne sont pas incompatibles.
- The Advisers, dirigée par David Siarri, accompagne les entreprises vers une économie plus responsable. Sa méthode, le « triangle stratégique », offre un cadre concret pour intégrer la durabilité au cœur des stratégies d’entreprise.
L’économie positive avance, pas à pas, grâce à ces initiatives et à l’engagement d’acteurs qui refusent de choisir entre rentabilité et responsabilité. Cette révolution tranquille redéfinit les règles du jeu économique. À chacun maintenant de décider de quelle société il souhaite être le témoin, et l’artisan.